► Afficher le texte
1. Par rapport à votre personnage incarné, comment ce lien débute entre toi et le personnage que tu t'es crée / ou que le MJ t'a attribué? À la création? Durant le jeu ? Quand iel est mort ? Etc.
Alors, comme pour beaucoup des questions ci-dessous, cela dépend des personnages. Pour la plupart, le lien commence après quelques scènes de jeux, qui m’ont permis de confronter le personnage, tel que défini sur la feuille, à son univers en jeu, et je me l’approprie ainsi. Pour quelques rares exceptions, le lien a commencé juste avant ou durant la création du personnage. Pour certaines campagnes il m’est arrivé de rédiger une nouvelle de quelques pages en guise de « background» du personnage. Du coup, pour ceux-là le lien commence quand je les définit précisément dans ma tête.
2. Mais alors, pourquoi cet intérêt à votre personnage incarné apparaît ? Y a t-il des raisons particulières à cela ?
En général le lien apparaît lorsque je ressent la synesthésie avec le personnage c’est-à-dire lorsqu’une part de ce qu’iel ressent vient se manifester dans mes propres sentiments et émotions.
3. Dans la vie quotidienne, avoir cet intérêt à ce personnage incarné vous pousse à faire des petites (ou grandes) choses différentes qu'un non-rôliste ne ferait pas ? Jusqu'où va cet lien ? (cosplay? Illustration? bouquin? autre chose?)
Il m’arrive de rédiger des nouvelles, courts textes d’illustrations, pour donner un peu de profondeur et de « punch » à mes personnages, sinon rien de spécial.
4. Concrètement, avoir des incarnations de personnages de jeu de rôle. Ça vous apporte quoi ? Ça vous donne quoi ?
Lorsque j’incarne un·e personnage de jdr, je cherche souvent à m’immerger dans une histoire construite communément autour de la table, mes personnages sont un peu le pont entre moi et l’histoire que nous racontons : je décide de ce que le personnage fait dans l’histoire, iel est mon seul moyen d’interagir avec elle ; et à l’inverse le personnage me renvoie ses surprises, ses joies et ses tristesses. Le personnage dans un jdr est l’interface que j’ai avec le jeu, son univers, et l’histoire que nous racontons autour de la table.
5. En tant que MJ qui a été déjà joueur, est-ce que vous ressentez une grande différence de ressenti dans vos personnages incarnés ?
Oui, assez nettement, lorsque je suis MJ j’incarne une foultitude de personnages, certain·e·s ont bien plus de profondeur que les autres. Je ne cherche pas la synesthésie au travers de mes personnages non-joueurs, je cherche plutôt à la provoquer chez les joueureuses autour de ma table. Lorsque je suis MJ je souhaites guider le plus doucement possible les personnages des joueuses et joueurs autour de la table, les laisser découvrir l’histoire, l’explorer et mes personnages non-joueurs sont des outils pour cela, rarement plus.
6. Est-ce que votre intérêt pour votre personnage peut s'arrêter? Si oui, comment ça se fait ?
C’est assez rare, mais cela peut arriver si je ressens une dissonance entre l’interface qu’est mon personnage et l’histoire à laquelle iel me sers à me raccrocher. Pour des personnages pré-tirés, il arrive que ceux-ci me plaisent moins, mais il est rare que les pré-tirés servent plus d’une séance.
7. Est-ce que ce lien à votre personnage aurait-il pu se faire sans la présence des personnages incarné par les autres joueurs ou même des PNJ du MJ de votre table ? C'est une construction collective alors ?
Sans aucun autre personnage, probablement que non, car l’histoire dans un JdR est l’élément central de l’intérêt que j’y trouve. S’il n’y a aucun autre personnage, l’histoire n’a que très peu d’intérêt. Toutefois si j’incarnais le·la même personnage accompagné·e de PJs différent·e·s, dans la même histoire, il est peu probable que cela aie un impact direct sur le lien que j’ai avec mes personnages. Dans certaines parties, avec certains systèmes de jeux, oui la création est collective. Mais le lien que j’ai avec mes personnages est parfaitement personnel.
8. Sinon est-ce que le souvenir d'un personnage incarné maintenant plus utilisé vous fait encore ressentir des émotions ?
Si les personnages ont été remisés, c’est souvent pour une bonne raison (iel est mort, l’histoire est finie, ou la table ne joue plus à ce jeu particulier, ou plus du tout ensemble) et avec le recul : non. Je n’ai pas conservé de lien particulièrement affectif avec mes personnages passés. J’ai de magnifiques souvenirs de jeux, certaines campagnes ou certaines parties spécifiques resteront gravées en moi pour toujours, mais si le·la personnage n’est plus joué·e, iel redevient l’outil dont je n’ai plus besoin. Le souvenir de l’histoire me fait remonter bien plus d’émotions que le souvenir même des personnages dont ils étaient l’interface.
Quelques questions par des personnes non-rôliste :
9. Y a-t-il des moments dans vos vies quotidiennes (quand tu es dans le métro/rer, quand tu es au boulot/à la fac, en famille/entre potes ou encore quand vous rêvassez /fantasmez sur une vie différente; etc.) quand une émotion bonne ou mauvaise vous fait penser à votre personnage? Quand une situation/interaction désagréable survient tu t'imagines -a postiori- avoir réagit différemment selon le caractère de ton personnage?
Non, mes personnages sont présents d’un peu avant la partie à un peu après (le temps de « redescendre »), parfois si l’on parle de ces parties avec d’autres rôlistes mais à ce moment, les sentiments ne sont pas présents, seuls l’histoire.
10. Est-ce que vous incarnez vos personnages de façon théâtrale ? Est-ce que le caractère ce celui-ci vous affecte d'une manière ou d'une autre? Et/ou affecte les autres ?
Le roleplay est une des parties les plus intéressantes du JdR, à mes yeux, donc oui mais avec un certain nombre de variables : mon énergie du jour, l’inspiration que m’offre l’histoire ou la scène et … cette fameuse synesthésie ! Si je ne me sens pas impliqué dans ce que vivent mes personnages, je suis bien moins impliqué dans leur incarnation. Le caractère de mes personnages impactent la façon dont je les incarne (ou essaie de les incarner), mais pas moi.
11. Quand votre personnage meurt, qu'est ce que ça vous fait ? Faites-vous quelque chose de particulier ?
Cela est très variable en fonction des personnages, de l’histoire, de comment ils meurent et quel est l’impact de leur sortie de l’histoire. Une mort « inutile» (jet de dé raté dans une scène sans grand enjeu) peut générer un peu de frustration, parfois cela peut même me faire rire. Pour ce qui est d’une mort avec un impact, lorsqu’un personnage meurt en tentant (ou réussissant par son sacrifice) de faire avancer l’histoire, sauver un·e autre personnage, sauver le monde … ? Eh bien en général je suis fier de cette sortie, je ressors de l’histoire avec une certaine satisfaction sur sa conclusion.
12. Est-ce que vous sortez de votre zone de confort quand vous inventez des personnages ou est-ce qu'il sont fait à votre image ?
Badum-tss : ça dépend des personnages (rires). Durant de nombreuses années j’ai cherché à créer des personnages non-seulement en dehors de mes zones de confort, mais aussi le plus différent de moi possible. La relativité de point de vue qu’offre le JdR est une ressource absolument essentielle pour mon plaisir de jeu, donc souvent je cherche à différencier mes personnages de moi-même. Avec un peu de recul, il serait complètement irréaliste de penser que chacun·e de mes personnages ne contient pas des éléments issus de mon point de vue, de mes opinions, … après tout c’est moi qui les ait créés : il y a forcément du « moi » dedans.
13. Qu'est-ce qui vous motive à inventer ces personnages et ultimement à tisser des souvenirs avec eux ?
Selon le jeu, le type de partie (one-shot, création de personnage « pour essayer » sans même savoir si je l’incarnerais un jour, ou préparation à une campagne donnée…), la personne qui mène la partie cela varie. En général je cherche à explorer le système de jeu et l’univers. Je cherche dans la base des éléments qui me « bottent », en général après quelques paragraphes lus je découvre une étincelle d’inspiration, je pars de ça et je découle une idée de personnage. De là, je poursuis l’idée jusqu’à obtenir un·e personnage qui me convient dans ses défauts, ses challenges, ses qualités et ses talents et j’ai hâte de le confronter à l’univers et à l’histoire de la partie.
14. Est-ce que vous parlez de vos parties et de vos personnages à votre cercle intime (amis/conjoint/famille) ?
Oui, souvent, mais principalement parce qu’iels sont rôlistes aussi.
15. Est-ce que le jeu de rôle et l'incarnation de votre personnage vous permet de vous évader? Si oui, de quoi ?
Absolument, c’est cette relativité de point de vue que j’évoquais plus haut qui m’a plut en premier dans le JdR, incarner « quelqu’un·e d’autre » permet de m’évader de la vie quotidienne, parfois pas toujours drôle. Durant une partie de jeu de rôles, je peut mettre de côté une grande partie de mes introspections, doutes, peurs, projets, ambitions, envies, déceptions, joies… afin de découvrir celles de mes personnages et de les partager le temps de quelques heures.